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L'incertitude, moyen de pression
La réalité économique est particulièrement complexe. La manière dont les investisseurs réagiront aux changements de circonstances et opportunités n’est pas facile à prévoir.
L’incertitude est souvent source d’hésitations au sujet des développements futurs. À défaut de se débarrasser à temps des incertitudes, les hésitations finiront par déterminer structurellement le climat des marchés financiers. C’est dire l’importance d’une appréhension la plus cohérente possible du contexte macro-économique, pour pouvoir, sur base de celle-ci, estimer l’évolution future de l’inflation, des taux d’intérêt, de la conjoncture, etc. de manière raisonnée. Ceci implique une bonne dose de “finance comportementale”. L’économie est en effet une science humaine, et non une science exacte. Car si c’était une science exacte, tout investisseur pourrait se contenter de formules mathématiques à adapter.
Début 2018 le consensus dominant était le suivant : “Notre investissement en actions européennes est réfléchi”. Les économies européennes se portaient mieux et le climat politique était plus calme. En 2017, la croissance exprimée en pourcentage était la plus élevée depuis 10 ans, soit 2,2% et plusieurs grands écueils politiques, comme les élections aux Pays-Bas, en Allemagne et en France avaient été évités. Les marchés des actions européens n’étaient pas chers, et l’on s’attendait à une régularisation de ces actions dans les bourses européennes à un niveau plus élevé, et à une croissance des bénéfices des entreprises.
En d’autres termes, 2018 serait enfi n l’année du rattrapage tant attendu. Les projections à court terme, à 1 an, sont en effet toujours basées sur la poursuite de la dynamique actuelle: elle était positive en 2017, et donc la tendance devait se poursuivre en 2018. Actuellement, la dynamique est inversée: fin 2018, les prestations de la bourse étaient faibles, et l’on s’attend donc à ce que 2019 soit également une année mauvaise. Vous trouvez les indices boursiers principaux ci-dessous, exprimés en EUR.
- S&P 500 : --3.41% (-7.71% in USD)
- Eurostoxx 50 : -14.79%
- CAC40 : -12.19%
- Bel20 : -19.07%
- DAX : -18.27%
- Chine300 : -24.84% (-25.87% en RMB)
Contre toute attente, 2018 a été une mauvaise année boursière, en particulier après le mois d’octobre. Fin septembre, les indices boursiers américains engrangeaient encore des records historiques, grâce aux perspectives positives. Aujourd’hui, l’état d’esprit est à l’opposé, et les spectateurs, qui n’ont d’yeux que pour les cours, sont convaincus que la récession est déjà une réalité en 2019. Les cours boursiers sont en chute, en raison de l’incertitude croissante des perspectives de bénéfices des entreprises. C’est toujours comme cela. Or, cette récession de bénéfices n’aura simplement pas lieu parce qu’il faut qu’il y ait une crise tous les 10 ans.
Depuis début octobre, les perspectives macro-économiques se sont effectivement dégradées. Il y eut une brusque évolution dans le comportement de l’investisseur, de la tolérance au risque (risk-on) vers la non-tolérance au risque (risk-off), en raison de la crainte grandissante d’une décélération de la croissance. Il y a trois raisons à cela.
1. L’extension du tarif d’importation américain
L’extension du tarif d’importation américain de 10% aux produits chinois pour une valeur de 200 milliards USD, là où ce tarif ne concernait que 50 milliards USD. Le Président Trump menace de relever ce tarif à 25%, si les négociations ne mènent pas à une solution pour fi n février 2019. Nous estimons que l’exigence de Trump, d’obtenir des conditions commerciales plus équitables, est juste. Nous pensons que cette augmentation tarifaire n’a pas un caractère permanent, mais qu’elle sert d’outil de négociation brutal, pour forcer la Chine et les autres partenaires des USA à faire des concessions. Tant que ces négociations n’auront pas pris fin, l’incertitude persistera. Posez-vous cependant la question de savoir quelle en est l’issue la plus probable : nous supposons que les États-Unis trouveront un accord (partiel) avec la Chine mais également avec l’Union européenne, pour faire baisser leur déficit commercial sans mettre à mal la croissance globale.
2. Budget du gouvernement italien
Depuis le mois de septembre, le gouvernement italien était en grave désaccord avec la Commission européenne (CE), au sujet du budget 2019. Un accord a été trouvé en date du 19 décembre. L’Italie dépose un budget avec un déficit de 2,04%. La question fondamentale qui se posait était de savoir si l’Italie allait quitter la Zone Euro ? À cette question, notre réponse, toujours brève et assurée, était non. Il faut tenter de mieux comprendre le fond de l’histoire. Le gouvernement italien souhaite mener une politique budgétaire stimulante, tandis que la CE se réfère aux conditions du pacte européen de stabilité et de croissance: l’éternelle discussion entre stimuler soit l’offre, soit la demande. Les partisans de la première méthode estiment que les autorités sont tenues de maintenir des taux d’intérêts bas, des conditions de crédit souples, un marché de l’emploi fl exible, etc. et qu’il revient ensuite aux acteurs économiques privés de créer une demande de consommation et d’investissement supplémentaire, et de relancer ainsi la croissance économique. L’autre camp – keynésien - estime qu’en l’absence d’une demande émanant du secteur privé, il revient aux autorités de stimuler la demande, ce qui exercera une pression sur le budget. Si le secteur privé fait déjà des économies, les réductions de dépenses complémentaires par les autorités rendront le redressement économique encore plus lent à atteindre. L’économie mondiale en a fait la douloureuse expérience dans la période de la Grande Dépression des années 1930, et à nouveau dans les années 2009-2012.
L’intention italienne d’implémenter des stimulations (fi scales), émanant des autorités, n’est donc pas l’annonce de l’implosion de la Zone Euro.
3. Le Brexit
L’accord du Brexit entre le Premier ministre britannique Theresa May et l’Union européenne, du 25 novembre 2018, a été accepté par le gouvernement britannique mais dès le lendemain, 5 membres du cabinet démissionnent. La première tentative de faire voter l’accord du Brexit par le parlement britannique, en date du 11 décembre, a échoué à défaut de majorité. La tentative de May de négocier avec l’UE un accord amélioré a également échoué. Ces échecs augmentent le risque d’un Brexit sans accord avec l’Union européenne, qui aurait de lourdes conséquences pour l’économie britannique, car la structure du pays n’y est pas préparée. Et il faut s’attendre à ce que les partenaires commerciaux principaux du Royaume-Uni souffrent également en cas de Brexit sans accord.
D’autres facteurs sont invoqués pour expliquer la volatilité accrue, comme les taux d’intérêts, dont il sera question plus loin, mais ces facteurs sont en général une conséquence des 3 motifs exposés ci-dessus.
La loi de cause à effet
La loi de cause à effet nous est tous familière. Les lecteurs d’Ayn Rand connaissent également les conséquences désastreuses de l’inversion de cette loi. Appliquée à l’investissement en actions, cette loi signifie que lorsque la conjoncture s’améliore, le chiffre d’affaires et les bénéfices augmentent, et donc également le cours boursier des actions de l’entreprise en question. Mais certains se permettent de faire le raisonnement inverse: un cours boursier en baisse annoncerait une récession. Cette inversion de la loi de cause à effet, mène à une conclusion erronée. En 1966, Paul Samuelson disait déjà à ce propos, que la bourse avait prédit 9 des 5 récessions passées.
Bien qu’il date de septembre 2018, le graphique ci-dessous, de notre collègue Rothschild, illustre bien ce propos.
Sur le graphique à gauche, l’Américain S&P 500 (courbe jaune) suit étroitement l’évolution des bénéfi ces des entreprises (ligne bleue). Notez le saut des bénéfices fin 2017, suite à la réforme fi scale du Président Trump. A contrario, le graphique à droite illustre le retard des cours boursier européens par rapport aux bénéfi ces des entreprises. Les raisons en ont déjà été mentionnées : les négociations commerciales avec les États-Unis, le Brexit et le doute existentiel au sujet de la Zone Euro.
Les observateurs qui inversent la loi de cause à effet, estiment le début de la récession prouvée par la correction boursière. Nous ne partageons pas cet avis. Mais nous admettons que l’incertitude pèse sur le climat des marchés et que la conjoncture ralentit. Toutefois, nous estimons que ce problème peut être résolu, et que la récession est évitable.
La hausse des intérêts
En conclusion, voici quelques réfl exions au sujet des intérêts.
Nous sommes constamment mis en garde contre la hausse des taux d’intérêts. Or, le taux d’intérêts sans risque, à 10 ans, est de 0,25% en Allemagne, et de 3% aux États-Unis, et ce, malgré un taux d’infl ation de plus de 2% dans les deux régions. Pour ce qui concerne le taux d’intérêt à court terme : celui-ci est encore plus bas.
Les taux d’intérêts sont donc extrêmement bas, et ces niveaux n’ont, tout au long de toute l’histoire, jamais empêché la croissance des bénéfices. La courbe des taux d’intérêts, qui, même inversée, constituerait, du point de vue statistique, un bon pronostic de récession menaçante, ne se trouve toujours pas en zone rouge. Normalement, la courbe des taux présente une ligne ascendante, et le taux d’intérêt à long terme est plus élevé que celui à court terme. La courbe ascendante s’aplanit et peut s’inverser lorsque le taux à court terme augmente plus rapidement que le taux à long terme. Le taux à court terme est fortement infl uencé par le taux directeur de la Banque Centrale. Aux États-Unis, le taux à court terme est en hausse, tandis que le taux à long terme oscille autour de 3%, ce qui signifie qu’il faudrait 3 à 4 augmentations de taux avant que la courbe des taux s’aplanisse.
Par le passé, la conjoncture a mené à des récessions, en raison (1) d’une guerre commerciale, (2) d’une bulle spéculative ou (3) d’une inflation élevée et d’intérêts également élevés. Pour ce qui concerne la première hypothèse, nous avons l’audace de croire à une solution pragmatique: il existe plusieurs indications en ce sens, mais nous ne serons sûrs que lorsque les États-Unis aura conclu un accord avec la Chine et l’UE. Les bulles spéculatives sont par définition difficiles à prévoir, sinon elles ne se formeraient pas. Elles sont cependant la cause des récessions les plus profondes, car de grandes bulles fi nancées par des crédits mettent l’ensemble du système fi nancier par terre, ce qui provoque une crise de système. La cause la plus fréquente d’une récession classique et cyclique, est cependant une augmentation du taux de l’inflation au-dessus des 2% : car ceci oblige la banque centrale à relever son taux directeur d’un niveau neutre à un niveau restrictif. Ceci, pour affaiblir la conjoncture et finalement réduire l’inflation. Toutefois, si l’augmentation du taux directeur a un effet trop restrictif, la dynamique économique non seulement faiblit, mais régresse: la récession devient réalité lorsque ce phénomène se répète pendant deux trimestres consécutifs.
Pour l’instant, l’infl ation n’évolue pas dans un marché de croissance incontrôlée.
La question essentielle qui se pose maintenant est de savoir où se situe le niveau neutre ? Ce niveau neutre n’est pas statique et il baisse depuis des décennies. Suivant des études académiques, il se situerait aujourd’hui à 0,75% au-dessus du niveau de l’inflation. Si cette tendance se confirme, il atteindra un jour 0%, ce qui ne crée pas des conditions rémunératrices pour les banques centrales. Mais si l’inflation se situe à 2%, comme c’est le cas aujourd’hui, le niveau neutre du taux directeur se situerait à 2,75%. Le Président Powell, de la FED, est du même avis : selon lui le “current interest rate level” se situe “just below neutral”. De sa déclaration faite juste après la hausse du taux directeur du 19 décembre, il semblerait qu’il ne renonce pas formellement à de nouvelles hausses dans l’année qui suit. La justification de la FED est que l’économie américaine tourne à plein régime et n’a plus besoin d’être stimulée. Cela ne pose de problème à personne, en principe.
Dans l’idéal, la dynamique économique évolue de manière à ce que l’inflation ne s’écarte pas trop du niveau de 2% visé, et que la banque centrale puisse fixer un taux d’intérêts neutre qui, en terme absolus, n’est pas très élevé.
Conclusion
Les incertitudes politiques permanentes irritent les marchés financiers, parce qu’elles sont de nature à compromettre les flux sous-jacents d’une économie saine. Ces préoccupations sont justifiées, mais à notre avis, se reflètent trop dans les cours boursiers, comme si aucune solution n’était possible.
Nous maintenons notre confiance, croyant que la sous-évaluation actuelle n’annonce pas un revirement important de la conjoncture économique.
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